Lim : « Les filles restent des rivales en‐dehors du terrain »
Pétillante, souriante et pleine d’énergie, Alizé Lim est une personnalité qui détonne dans le milieu du tennis féminin. Elle s’est confiée à ClubHouse, le tout avec le sourire et dans la bonne humeur. Une entretien rafraîchissant à retrouver dans le numéro 4 de notre magazine ClubHouse.
Tu es arrivée assez tardivement sur le circuit, car tu continuais tes études. C’est un choix ou tu as des regrets ?« C’est un choix, oui et non. Mes parents m’ont laissé le choix, certes. Mais ce n’en était pas vraiment un, car, à l’époque, je ne me rendais pas compte de ce que jouer au tennis impliquait. Effectivement, j’aurais peut‐être aimé perdre moins de temps, en sachant plus tôt ce que ça nécessitait. Même si personne ne m’a forcée. »
Cela peut t’être utile pour le futur…« Ça sert toujours, oui, mais je suis concentrée sur le tennis, aujourd’hui. Chacun son parcours. On ne peut pas dire : « J’aurais été ceci si j’avais fait ça… » »
Tu as commencé à devenir l’égérie du Coq Sportif fin 2014. C’est une fierté de représenter une telle marque ?« Forcément, c’est très flatteur et important pour moi. J’en suis heureuse. D’autant que la marque me fait confiance et me laisse m’impliquer dans le design. »
C’est-à-dire ? « J’ai beaucoup, beaucoup de liberté ! Je ne pensais pas en avoir autant. J’ai pu choisir tout ce que je voulais pour ma tenue, les couleurs, les matières, la forme que je voulais, les thèmes pour les saisons à venir… Pour le moment, je m’investis dans les tenues de match. J’aimerais faire plus, mais chaque chose en son temps. »
À terme, t’investir dans la mode est quelque chose qui t’intéresse ?« Oui, vraiment. Aujourd’hui, par exemple, j’ai un jour off, je déconnecte complètement. Mais, en même temps, c’est au service de mon tennis. Franchement, c’est l’idéal. J’adore la mode. C’est la première fois que je vais voir mes idées prendre forme, c’est mon premier dessin qui va devenir réel (rires). Le fait que ce soit toi qui choisisses, c’est génial ! »
Ta première collection sortira pour Roland Garros ?« Oui. J’ai déjà pu faire une collection capsule pour le début de l’année 2015. Ce n’était pas dans les mêmes circonstances. J’avais moins de liberté, car il fallait faire vite, tout simplement. »
Qu’est-ce que ça signifie, être l’égérie d’une marque ? Ce n’est peut‐être pas le bon terme, mais c’est un peu être le mannequin de la marque ?« Je pense qu’il y a plusieurs casquettes. Je porte évidemment les vêtements de la marque et je représente ses valeurs. Oui, il y a aussi le côté mannequin, car je fais des photo‐shoots avec les différentes collections. Mais, comme je le disais, je m’implique aussi dans le design. Donc ce n’est pas juste signer avec une marque et porter ses vêtements. »
N’as-tu pas peur que l’aspect égérie/mannequin prenne le dessus sur ta carrière sportive ?« J’ai eu peur à un moment donné, c’est certain. C’était il y a quelques années. Aujourd’hui, non, car tout est clair dans ma tête. »
Quelle était ta peur ?« C’était plus une question d’image. Est‐ce qu’on va moins me prendre au sérieux dans mon tennis si je joue la carte mannequin à côté ?… Aujourd’hui, il n’y a aucun problème. Si je peux faire plus de choses, tant mieux. Toute expérience est bonne à prendre. Ça n’empiète pas sur mon tennis, j’arrive à gérer les deux. On trouve les dates, ou pas, selon mon calendrier (rires) ! Le tennis est toujours ma priorité. Cela étant clair dans ma tête, je n’ai pas de scrupules à avoir. »
Le grand public, qui t’a vraiment découverte lors de ton premier tour contre Serena Williams, à Roland Garros 2014, aurait pu faire l’amalgame…« À l’époque, je touchais un peu à tout et je craignais effectivement que ça arrive. Mais, aujourd’hui, c’est affirmé dans ma tête, je sais ce que je veux. C’est le plus important pour moi. Peu importe l’image qu’on me donne. »
J’ai lu une interview dont le titre était : « Je ne suis pas la nouvelle Anna Kournikova »…« Oui, je m’en souviens ! Je n’avais pas parlé d’elle, mais on m’avait posé la question. Et j’avais répondu qu’Anna Kournikova avait quand même fait une belle carrière. Je ne suis pas la nouvelle Kournikova, parce que j’ai ma propre personnalité et tout à construire. Je n’ai rien contre elle. Je l’admirais quand j’étais petite, mais je ne m’identifie pas particulièrement à elle. Je sais qu’elle était très attirée par les médias. C’est Martina Hingis qui me l’avait raconté. Elle me disait que ça l’avait boostée. Lorsqu’elles jouaient ensemble en double, s’il n’y avait personne, elle n’était pas très motivée. Dès que les photographes et les caméramen arrivaient, elle se mettait à mieux jouer. Elle avait besoin qu’on la regarde ! »
Pour rester dans les souvenirs, j’ai retrouvé la campagne promotionnelle de l’Open de Saint‐Malo, en 2011. Tu comprends qu’elle ait fait un peu polémique ?« Je ne referais pas ça aujourd’hui ! J’étais payée pour faire cette campagne, j’ai suivi les directives, comme quand on signe un contrat avec une marque. Ce n’était pas moi qui avais choisi les vêtements, la coiffure, le maquillage, rien du tout… Je me suis laissée porter et rien ne me plaisait… Je l’ai regretté après… »
C’est-à-dire ?« C’était hyper vulgaire. Ce n’était pas moi, ce n’était pas sportif… Je n’ai pas compris pourquoi ils ont fait ça. Et, à l’époque, je n’ai pas osé à le dire. Après, j’ai regretté et, en grandissant, je me suis dit que je ne le referais plus jamais. Même si j’étais payée pour ça, les photos restent et c’est mon image… Je n’ai pas du tout aimé cette campagne. »
Aujourd’hui, le tennis est l’un des sports féminins qui se porte le mieux, mais il a fallu se battre pour en arriver là…« Je trouve qu’on a un sport plutôt bien médiatisé. Évidemment, pas autant que les hommes. Mais je ne trouve pas qu’on ait à se plaindre. Je vais me faire tuer par d’autres filles en disant ça (rires), mais les meilleures mondiales ont de supers contrats. J’ai eu la chance de participer aux « Étoiles du sport » et de côtoyer d’autres sportives. Je me suis rendue compte qu’on n’était clairement pas à plaindre… »
Défendre l’égalité entre les hommes et les femmes, c’est une cause qui pourrait t’intéresser ?« Je pense que c’est à nous de faire en sorte que notre sport soit plus médiatisé. Ça ne viendra pas tout seul. Si les gens choisissent de regarder le tennis masculin plutôt que le tennis féminin, c’est aussi de notre faute. Il faut qu’on le rende intéressant d’une manière ou d’une autre, que ce soit par le jeu, par notre personnalité, par nos tenues (rires) ! Je suis plutôt de ce côté‐là. Je ne vais pas me plaindre en disant : « Oui, c’est nul, les gens préfèrent le tennis masculin, ce n’est pas égalitaire. » À nous de d’égaliser les choses. Reste la question du prize money… Là, on ne peut rien faire. Mais si on parvient à susciter de l’attention et de l’intérêt, le reste suivra. »
Comment rendrais‐tu le tennis féminin plus attractif ?« Je pense que c’est vraiment les personnalités des joueuses qui ont un rôle à jouer. Serenaa une grosse personnalité, mais c’est un peu la seule. C’est vraiment différent du circuit masculin. »
Pourquoi ?« Les mecs sont plus cools, ils ont un meilleur état d’esprit, ils sont plus fair‐play. La rivalité Federer‐Nadal est absolument incomparable, rien à voir avec ce qu’il y a entre Serena et Maria Sharapova. Les filles sont plus fermées. »
Ça veut dire quoi ? Il y a plus de concurrence entre vous ?« Oui, tout le monde se tire un peu dans les pattes. Il n’y a pas de coupure entre le terrain et la vie quotidienne. Les hommes arrivent à être en compétition, avoir une rivalité sur le court et à se comporter normalement une fois le match terminé. »
Les filles ne parviennent donc pas à sortir du contexte de compétition…« Non, pas vraiment. Elles restent des rivales en‐dehors du terrain. Et se disent, pour certaines, qu’il ne faut pas être amies, parce qu’on est des compétitrices. Plusieurs joueuses l’affirment, comme Sharapova ou Bouchard. « Je ne suis pas là pour me faire des amies, c’est mon métier. » Ce n’est pas ma vision des choses. »
L’attractivité du circuit pose aussi la question du combat pour la parité des gains…« C’est effectivement un problème. Chez les femmes, les tournois équivalents aux Challengers sont gérés par l’ITF. Or, chez les mecs, c’est l’ATP qui s’en occupe. C’est donc plus facile pour eux, l’hôtel est pris en charge… Chez les femmes, il n’y a prise en charge que dans les tournois WTA. Même dans un 100 000 , on paie notre hôtel (NDLR : les premiers tournois WTA sont des 125 000 ). C’est aussi une conséquence de la crise. Il y a de moins en moins de tournois. En mars, on ne peut presque pas jouer ! Chaque année, on se dit que ça ne peut pas être pire… Et, pourtant, si, la diminution du nombre d’épreuves est systématique. Avant, il y avait une période difficile en janvier et en février. Maintenant, elle court de janvier à mars… Et c’est de nouveau compliqué en octobre. Les seuls mois faciles sont avril, mai, juin et juillet. Plusieurs tournois ont été obligés d’arrêter, car ils ont perdu leurs sponsors. »
Est‐ce que se rendre attractive…(Elle reprend la parole) « Le public n’aime pas trop le tennis stéréotypé chez les filles. Et puis, les personnes regardent beaucoup le physique et le critiquent tout le temps ! Les gens veulent que les filles soient mignonnes, qu’elles montent à la volée et qu’elles fassent des amorties gagnantes (rires). Mais c’est vrai ! Après, oui, je le conçois, il faudrait une plus grande diversité dans l’adversité. »
Plaire au public, cela passe aussi par une présence sur les réseaux sociaux, comme tu le fais, toi ? « Ah oui, bien sûr. Les réseaux sociaux ont pris une grande place dans la vie des joueurs professionnels. De mon côté, je le fais de façon assez naturelle. Twitter et Instagram, c’est moi et ma personnalité. Le reste, je m’en fous. Ça me permet aussi de couper un peu du tennis. Évidemment, je ne vais pas mettre une photo après six heures d’entraînement. Si les gens ont suivi une joueuse toute l’année, ils iront la voir jouer, ils vont se sentir proches d’elle, connectés et plus l’encourager. »
Pour finir, une petite question indiscrète (rires)… Comment vit‐on en étant la copine de Jérémy Chardy sur le circuit ?« Je n’y pense pas ! Je n’ai pas l’impression que les gens m’identifient comme la copine de Jérémy. D’ailleurs, c’est lui, le copain d’Alizé Lim (rires) ! »
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Publié le jeudi 21 mai 2015 à 12:08