Moussa Mansaly : « Je viens d’un endroit où on accepte l’échec comme une normalité »
Quiconque l’a vu jouer Mastar dans Validé, la série sur le rap de Franck Gastambide, carton du printemps 2020 sur Canal+, dont la saison 2 arrive à l’automne, aurait la trouille de s’en prendre une. 1,92 m, 46 fillettes. Mais le gars est tout le contraire : voix douce, gestes amènes, alors on le moque gentiment pendant qu’il monte la dune quasiment sur la pointe des pieds, concentré sur ses Jordan bleu ciel qu’il ne faudrait surtout pas abîmer.
Sam’s (quand il rappe) alias Moussa Mansaly (quand il est acteur) n’est ni le gros méchant rappeur de la série, ni « le mec de mon bâtiment », comme il le chante dans un de ses clips à succès, mais juste un type qui s’en va à la plage chaussé comme un prince.
« J’ai récupéré la paire hier. C’est une collab’récente : la University Blue. » Collab’ ? Une collaboration, la troisième entre Off-White et Nike sur une Air Jordan 1. Notre homme est collectionneur. Dans son placard, il avoue avoir une centaine de modèles de chaussures de sport. « J’aime ça depuis toujours. Au quartier, quand tu sortais une nouvelle paire, ça voulait dire que tu avais de l’argent et que tu avais du goût. Tu mettais des Air max requin, tu étais quelqu’un », tente-t-il d’expliquer alors qu’on fait une pause au sommet de la dune. Le genre de moment où l’on cherche à cacher sous le sable ses propres chaussures sans âme.
Au sud, la vue s’étend sur la cimaise des pins, le phare et, par-delà le bassin d’Arcachon, jusqu’à la grande dune du Pilat qui dégorge son ventre sableux sur la mer. A l’ouest, face à nous, l’océan. Colonisé par la bourgeoisie bordelaise au siècle dernier, le Cap Ferret, vaste bande qui ferme le bassin face aux vagues de l’Atlantique, éparpille ses villas riantes, ses arbres centenaires et son argent paisible sur des kilomètres… Contraste absolu avec la cité Dravemont, à Floirac, une banlieue de Bordeaux sur la rive nord de la Garonne, où Moussa Mansaly a grandi.
« La plage à 10 francs »
On l’imagine enfant. Son père, Aliou, trésorier de l’Union des travailleurs sénégalais en France, pilier de l’usine Ford de Blanquefort, remplissant la glacière, l’embarquant avec ses sœurs pique-niquer sous les grands pins avec une famille de voisins, les Sané. Le gamin d’alors témoigne du contraste : « C’est là, que pour la première fois j’ai été confronté au racisme. Une femme qui dit à son mari en nous regardant : “Viens, je ne reste pas avec ces gens-là.” Mon père a craqué, je ne l’avais jamais vu insulter des gens ainsi. »
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